Nous avons une petite faveur à vous demander pour soutenir notre travail Cliquez ici
La défiance vis-à-vis des médias français s’enracine profondément dans plusieurs pays d’Afrique francophone. De RFI à France 24, en passant par TV5 Monde ou LCI, les suspensions et interdictions d’émettre se multiplient. Au cœur des griefs : des accusations de partialité, d’ingérence politique et de manque de respect des valeurs nationales. Un climat de rupture s’installe, révélateur d’un basculement géopolitique majeur.
En mai 2025, le Mali a suspendu TV5 Monde à la suite d’un reportage jugé tendancieux sur des manifestations interdites à Bamako. Une décision qui s’inscrit dans la continuité d’une série d’exclusions. En 2022, RFI et France 24 avaient été bannies pour avoir, selon les autorités maliennes, diffusé une couverture jugée hostile des opérations militaires locales.
Quant à LCI, elle a été temporairement suspendue pour des propos perçus comme une apologie du terrorisme. Les critiques récurrentes des gouvernements du Mali et du Burkina Faso pointent une ligne éditoriale jugée occidentalo-centrée, éloignée des réalités locales et contraire aux principes de neutralité journalistique.
Ce durcissement envers les médias français s’inscrit dans une réorientation stratégique des régimes de transition, marquée par un rejet de la présence militaire française et l’exploration de nouvelles alliances – notamment avec la Russie. Dans cette logique, la critique des “médias impérialistes” devient une arme de résistance symbolique.
La mémoire de l’ingérence coloniale alimente ce rejet. Les récits importés sont perçus comme une menace pour la souveraineté narrative, dans une région qui tente de reconstruire ses représentations médiatiques.
Les suspensions s’inscrivent dans une volonté claire : reprendre le contrôle de la narration nationale. Le Premier ministre burkinabè accuse notamment les médias français de “semer la confusion” et d’ouvrir la voie à des interventions étrangères, en rappelant le contexte médiatique ayant précédé l’assassinat de Thomas Sankara.
La souveraineté informationnelle devient un pilier de la stratégie politique. Il ne s’agit plus seulement de communication, mais de défense identitaire et géopolitique.
Cette dynamique ne s’arrête pas au journalisme. Au Burkina Faso, des émissions de téléréalité de Canal+, comme Qui veut épouser mon fils ? ou The Bachelor, ont été interdites pour atteinte aux “valeurs fondamentales du pays”. Ce verrouillage culturel témoigne d’un projet plus global de protection du tissu moral et sociétal.
Ce bras de fer traduit une crise de confiance profonde dans les récits venus de l’extérieur. Accusant une désinformation utilisée comme outil de domination, les gouvernements cherchent à reconquérir leur souveraineté médiatique.
Mais en toile de fond, cette stratégie soulève des inquiétudes majeures : liberté de la presse, pluralité des voix et accès des citoyens à une information indépendante. Jusqu’où ira ce contrôle du récit ? Et qui pourra encore parler librement au cœur de ces transformations ?
Flashez le QR code pour apporter votre soutien à notre travail.